20 décembre

 

"Les contes ne sont pas faits pour endormir les enfants, mais pour éveiller les adultes"

I, comme Italie
JEANNOT QUI N'A PAS FROID AUX YEUX

(suite)

...... Dessous, il y a trois marmites d'or. - Prends-les et emmène-les là-haut ! dit l'homme.
- C'est à toi de t'en charger ! dit Jeannot. Et le géant les coltine, l'une après l'autre.
   Les voilà retournés dans la salle où se trouve la cheminée, et c'est le moment où le gros homme s'exclame :
- Jeannot, le mauvais charme est enfin rompu. Sur ce, il perd une jambe, la jambe bondit dans le manteau de la cheminée, et elle remonte tout là-haut.
- Une de ces marmites d'or est pour toi. Et paf ! cette fois-ci c'est un bras qui se détache et grimpe dans la cheminée.
- Une autre marmite, tu la donneras à la Compagnie qui viendra te chercher parce qu'elle te croit mort Et pouf ! l'autre bras s'envole à son tour par la cheminée.
- Reste une marmite, il faudra la donner au premier pauvre qui viendra à passer. Et c'est à l'autre jambe de disparaître, il ne reste plus que le buste avec la tête gisant par terre.
- Quant à ce palais, tu peux le garder. Et boum ! le buste s'arrache au reste, il part dans la cheminée, il n'y a plus au sol que la tête.
- C'est que les maîtres de céans, on en a perdu jusqu'au souvenir. Et voilà que la tête aussi s'élève dans la cheminée, plus la moindre trace du gros bonhomme.
   C'est bientôt l'orée du jour, on entend tout un chant, Miserere mei, miserere mei, c'est la Compagnie avec le cercueil qui vient chercher Jeannot trépassé : ils le voient tout tranquille à sa fenêtre, qui tire sur sa pipe.
   Avec toute cette montagne d'or, Jeannot sans Peur est cent fois riche à présent, il habite tout heureux son palais. Et cela va durer jusqu'au jour où, se retournant brusquement, il avise sa propre ombre et il en prend une telle épouvante qu'il meurt sur le coup.

 

Italo CALVINO Extrait de  "Contes Populaires Italiens" -1980-DENOËL

 

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