16 décembre

 

"Les contes ne sont pas faits pour endormir les enfants, mais pour éveiller les adultes"

G, comme les Indiens du Groenland
LE CHASSEUR ET LA MÈRE AIGLE

   Il y avait une fois un chasseur qui, grâce à sa force magique qui lui permettait d'attirer le gibier, était plus renommé que d'autres. "Voici un pré où l'herbe est plus tendre" criait-il par exemple au cerf. Et le cerf venait. Ensuite, le chasseur avait beau jeu de le tuer d'une flèche. Il était même téméraire au point d'attirer l'aigle qui décrivait des ronds au-dessus des forêts, attendant une proie. "Voici une viande bien tendre, criait-il à l'aigle. Descends la chercher !" Et lorsque l'aigle se laissait tomber pour saisir une proie dans ses serres, le chasseur sortait de sa cachette et lui envoyait une flèche en plein cœur.
   C'était là un jeu dangereux. "Méfie-toi, l'avertissaient les hommes. La mère aigle prendra sa revanche sur toi." Mais le chasseur s'en moquait. Un jour, il vit la mère aigle faire des ronds, haut dans le ciel. Elle était plus grande et plus puissante que tous les autres aigles. Le chasseur se mit à faire des signaux avec ses bras. "Descends, mère aigle, cria-t-il. Voici de la viande pour toi et pour tes petits !"
   La mère aigle descendit lentement en planant, mais, subitement, elle piqua et s'apprêta à enfoncer ses serres dans le corps du chasseur. Terrorisé, celui-ci réussit à fuir et à se cacher dans le tronc évidé d'un arbre. Mais la mère aigle le poursuivit, sortit l'homme de sa cachette et l'emporta dans les hauteurs. Arrivée dans son aire perchée sur un rocher inabordable, elle le déposa et s'envola pour chasser d'autres proies.
   Les aiglons, excités, battirent des ailes et se mirent à frapper le chasseur de leurs becs recourbés. Celui-ci les esquiva, saisit un morceau de viande séchée qu'il portait dans sa besace et le leur donna. Puis il découpa en morceaux la courroie en cuir et s'en servit pour lier les becs des aiglons.
   Lorsque la mère aigle revint, elle s'écria, furieuse : "- Enlève ces courroies - Je veux bien, mais promets-moi de me ramener sur la terre !" répondit le chasseur. Pendant deux jours, la mère aigle tenta en vain de nourrir ses petits. Elle était posée sur le bord de l'aire et ne savait pas que faire. Les jeunes se tenaient à peine debout, de faiblesse. "Je vais te tuer" dit la mère aigle au chasseur.
   Et celui-ci répondit : "Si tu fais cela, tes petits mourront de faim. Promets-moi de me ramener sur le sol et j'enlèverai les courroies."
   Ainsi se disputèrent-ils, et finalement, la mère aigle dit : "Si, à l'avenir, tu ne chasses plus ni cerfs ni chevreuils, et si jamais plus tu ne tues un aigle, sans que le monde des esprits te le permette, je te ramène en bas."
   Le chasseur se déclara d'accord. Il enleva les courroies fermant les becs des aiglons et la mère aigle le ramena à terre. Le chasseur a tenu parole ; de même que ses fils et ses petits-fils se sentent liés par ce serment. Lorsque maintenant, les chasseurs tuent un cerf ou un chevreuil, le sorcier appelle les aigles : "Venez chercher votre part !" Et les aigles ont le droit de prendre ce qui est immangeable pour l'homme, sans qu'une flèche ne vienne les atteindre dans le dos. Ainsi en est-il pour toujours.

Extrait de "Trésor Légendaire des pays Lointains"-1979- GRÜND 

 

 

 

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